Y a-t-il une réelle différence entre une visite guidée et une visite guidée avec un guide professionnel ?
On m’a déjà dit – parfois même des dirigeants de communes – que guider était simple comme bonjour, à la portée du premier venu, pour peu qu’il soit capable d’apprendre un parcours par cœur.
À ce titre, il m’a été du coup parfois reproché de pratiquer des tarifs jugés “élevés” (on ne va pas entrer dans le détail que bien souvent les agents de la fonction publique oublient qu’il faut retirer les charges pour comparer avec leur fiche de paie… et encore là, le taux horaire est normalement plus élevé puisqu’il y a aussi le temps de préparation).
Pourtant, une visite ça se prépare. Cela consiste rarement à répertorier toutes les “anecdotes à grand-mère” pour les débiter à la suite. Je n’ai rien contre les grands-mères, mais ces bouts d’histoire ne peuvent pas parler à ceux qui sont étrangers au village – et souvent un village est visité par ceux qui ne le connaissent pas. Réservons cela à des compilations de tranches de vie, utiles à la mémoire du village, et parfois réutilisables dans des thèmes particuliers (oui ça arrive).
Préparer une visite, ce n’est pas non plus répertorier tous les prétendus tunnels qui auraient fleuri pour traverser la montagne sous 20 km pour fuir les Sarrasins / les guerres de religion / les nazis (rayez la mention inutile).
Préparer une visite, cela nécessite de se renseigner sur l’environnement alentour, sur les éventuelles particularités géologiques, étudier les plans anciens et récents, les cadastres napoléoniens et toute autre source d’information. C’est se méfier des écrits des historiens amateurs qui perpétuent les mythes à sensations.
Pour cela, j’ai une base historique qui va de l’an 600 à 1960… (eh non ! rien avant 600 car comme je le dis souvent, je n’aime pas les Romains ! 😉 ) avec bien sûr comme tout le monde des affinités. Moi c’est le Moyen-âge (surtout du 11e au 14e siècle) et l’ère industrielle du 19e siècle.
Mon regard et mon expertise me permettent d’identifier les thèmes-clés sur site et sur plan. C’est presque “plus facile” quand on fait visiter un lieu-clé hyper documenté. Mais c’est tellement grisant de tout “réinventer” sur un terrain vierge de toute réflexion. En faisant visiter plusieurs villages voisins, mes recherches me permettent de faire des liens sur le territoire. Car l’histoire ne se découpe pas par village, l’histoire est faite de liens et d’échanges permanents.
Préparer un nouveau parcours demande des heures de documentation.
On m’a demandé une fois de former un agent municipal pour qu’il guide à ma place. Au-delà du fait que cela sous-entend me retirer le pain de la bouche, cette tâche est tout bonnement impossible. Les thèmes principaux (par exemple bauxite, sériciculture et bouchonnerie) sont vastes et nécessitent à eux-mêmes de nombreuses lectures et observations.
J’ai fait 5 ans d’études – dont un Master professionnel avec des stages longs – et je travaille depuis 8 ans sans discontinuité. Je collabore avec des guides naturalistes qui m’aident à élargir ma vision. Je lis beaucoup de livres, je me documente, je voyage pour avoir des références de comparaison. Je reste branchée sur l’actualité locale ou plus large. Je travaille dans le territoire où je suis née et que j’explore depuis plus de 30 ans. Alors comment peut-on imaginer possible d’expliquer en 2h le contenu d’une sortie ?
- Saviez-vous que des personnes cherchent à développer des legos en liège ?
- Que la soie est aujourd’hui principalement produite au Brésil et non plus en Chine ?
- Que chaque jour des archéologues et historiens récrivent ce qui est noté dans nos manuels ?
Chaque guide professionnel guide à sa manière. Je ne dis pas qu’il faille visiter seulement avec moi. Mais un même lieu avec différents guides prendra forcément des tonalités différentes. Et moi-même, je ne dis pas toujours les mêmes choses d’une fois sur l’autre. C’est ce qui rend ce métier beau et vivant.
Tout à fait d’accord Mélanie ! On apprend à tout âge, alors continuez de vous informer pour nous offrir des parcours enrichis et enrichissants. Je me réjouis de revenir à Ste-Maxime l’an prochain pour découvrir dans la région de nouveaux villages, leur patrimoine et leurs habitants à travers les siècles, et déguster leurs spécialités comme les marrons glacés à Collobrières…
Cet article est tout à fait le reflet de ma pensée. Et c’est bien pourquoi mon conjoint et moi sommes fidèles à ces visites et y avons entraîné des amis qui eux aussi ont apprécié.